Dans son article « La soupe aux choux : ingrédients et méthodes », Pierre Popovic, un chercheur en études littéraires de l’Université de Montréal, présente une méthode d’analyse de texte : la sociocritique. La sociocritique se présente alors comme une école littéraire s’intéressant aux traces du social dans le texte. C’est une méthode d’analyse en trois étapes, soit 1) constater la structure du texte en lui-même 2) y interroger un élément, ici un mot ou un groupe de mots que l’on élucidera en puisant de l’information à l’extérieur du texte, qui mènera à 3) un geste interprétatif fait en associant la signification externe précédemment puisée à l’élément interrogé. La sociocritique se présente alors comme une méthode d’analyse sémiotique qui, pour créer des arguments, va puiser sa grille interprétative dans l’univers social. Dans le cadre d’une analyse de la sociocritique, la sémiotique structuraliste, menée par des chercheurs allant de Ferdinand de Saussure jusqu’à Roland Barthes et A.G Greimas, est bien limitée en ce sens où cette dernière, s’arrêtant à la structure du signe analysé, ne saurait rendre compte de l’ouverture de l’analyse au monde social. La sémiologie, lorsqu’elle analyse une œuvre, ne rend compte que de la structure significative interne ; on peut certes considérer la société comme une structure donnée, mais si on analyse un texte, on ne peut pas sortir de ce dit texte pour l’étudier structurellement. Or, dans le cas de la sociocritique, qui s’intéresse aux signes externes de l’œuvre, la culture sociétale, l’élucidation de sa méthode ne saurait se faire que d’après des outils permettant une excursion hors de la structure. C’est le cas de la sémiotique que Charles Sanders Peirce a élaborée jusqu’à la fin de sa vie et dont on peut retrouver une traduction érudite des principaux textes dans l’ouvrage de Gérard Deledalle, écrits sur le signe1, publié en 1978. La sémiotique peircienne, avec ses trois catégories phanéroscopiques : la primeité, la secondeité et la teirceité, qui constituent les éléments du signe et son concept de sémiose, pourrait nous permettre d’analyser la production de savoir de l’analyse sociocritique dans son ensemble. Il s’agira dans cette analyse d’interroger la manière dont la sociocritique produit un savoir, un argument, afin d’éclairer plus globalement la façon dont les études littéraires produisent du savoir, et également de développer une vision pragmatique de l’étude littéraire. L’analyse de la méthode sociocritique sera faite via la sémiotique élaborée par Charles Sanders Peirce.
Avant de commencer, il est important de résumer brièvement la sémiotique peircienne. Dans le cadre de cette théorie pragmatique, le signe est défini par son action communicative sur l’interprète. C’est pourquoi l’on parle de trois catégories phanéroscopiques ; ce n’est que dans le phanéron – comprenez ici l’esprit, le lieu des idées – que le signe existe. Le signe peircien est ainsi une triade composée 1) du representamen, qui est le signe à son stade de qualité, sa capacité à être représenté en tant que tel, 2) de l’objet, qui est le signe perçu seul, sans être actualisé par les choses qui composent son environnement, et 3) de l’interprétant, qui est le signe à son stade final, le stade lors duquel l’objet se voit rejoint par un complément. Dans des mots propres à la littérature, l’interprétant est son stade où il est lu, interprété, mis en relation. Le signe « Je » débute par sa qualité d’existence dans l’esprit, jusqu’à une première perception, « Je », et prend son sens lorsqu’il est mis en relation avec ce qui l’entoure : « Je suis Victor Aymé. » Dans un autre ordre d’idée, l’objet du signe « Victor Aymé » est interprété lorsqu’on lit « Victor Aymé est gentil. » Ces trois catégories suivent un processus de sémiose qui va du representamen à l’interprétant, et qui, ensuite, se renouvelle perpétuellement jusqu’à un développement du savoir acquis. Pour continuer notre exemple, « Victor Aymé est gentil », qui serait notre premier interprétant, redevient un representamen en soi, puis un objet et à nouveau un interprétant lorsqu’on lit « Victor Aymé est gentil et brillant. » Le processus de sémiose se renouvelle ainsi jusqu’à l’interprétant final qui serait, pour Peirce, Dieu, mais qui, pour nous, chercheur·euses en études littéraires, serait un genre de statu quo par rapport au savoir élaboré, le moment où le symbole est institué dans la convention. Le passage de l’objet à l’interprétant se fait selon un processus d’abduction ; c’est par des inférences logiques qui dépendent de plusieurs facteurs, tels que le contexte dans lequel apparait l’objet ou tous les affects qui peuvent agir sur sa perception, que le signe arrive à l’interprétant. À noter que, dans tous ces exemples, il ne faut pas confondre « interprétant » et « interprétateur. » La sémiotique peircienne est certes une science décrivant un phénomène du monde des idées, un phénomène phanéroscopique, or le signe peircien ne réside pas dans la conscience d’un interprétateur, mais bien dans un mouvement qui dépasse la pensée individuelle : la sémiose. On peut le voir un peu comme une métaphysique du savoir, qu’il soit individuel ou commun, une sorte d’épistémologie logique totale. La sociocritique de Pierre Popovic devrait être aisément interprétable par ces outils sémiotiques.
Le texte de Popovic « La soupe aux choux : ingrédients et méthode » commence ainsi : « Le goût de la soupe aux choux s’est perdu chez les intellectuels et chez les écrivains.2 » Dès sa première phrase d’introduction, le texte annonce la problématique de son analyse. Le goût de la soupe aux choux est présent dans l’esprit des intellectuels, or il s’est fait enfouir dans leur conscience ; il faut donc élaborer une méthode adéquate pour la retrouver. Il doit retracer la connotation de la soupe aux choux qui s’est perdue à travers le temps. Et c’est ce que l’auteur fera par la suite pour prouver la pertinence de sa méthode d’analyse littéraire, la sociocritique. Après son introduction revenant sur l’histoire de la sociocritique, l’auteur décide de commencer sa démonstration. Il présente alors un poème de Paul Vincensini :
Je l’aimais et pourtant elle me faisait mal
Quand je serai mort
Je crois
Que je me souviendrai encore
De la soupe aux choux (P.P, p. 44)
Le poème présenté, Popovic nous propose de jouer avec sa matrice sémiotique. Il nous propose d’explorer ses enjeux sémiotiques en manipulant les vers, en les changeant de place, en manipulant ces « processus de sémantisation qu’il s’agit de faire découvrir » (P.P, p. 47). En quelque sorte, Popovic nous invite à jouer avec le signe dans son statut d’objet, de prendre une pause volontaire dans la sémiose pour nous intéresser à l’objet, pris individuellement, en dépit de toute actualisation, de toute prédication. D’un point de vue sémiotique, les informations provenant de l’extérieur constituent l’environnement dans lequel l’objet s’actualise. La qualité du signe, le representamen, est certes mise de côté par l’analyse, mais, pour l’inclure, on peut affirmer que ce stade réside dans sa capacité initiale à être perçu par le chercheur de sociocritique. On commence donc par le representamen du poème, pour ensuite nous intéresser longuement à l’objet, le poème pris en soi. Popovic observe qu’en soi le poème recèle le quarteron aimer/se souvenir/mourir/souffrir mais que cela dit, la présence de « la soupe aux choux » y est étrange (P.P, p. 47). L’objet est maintenant posé. On voit ici un mouvement sémiosique déjà avancé, vu que Popovic commet ainsi un geste interprétatif, mais il est important de noter que Pierre Popovic et son travail ont évolué via la sémiosphère des études littéraires qui a grandement été influencée par le structuralisme, ce qui explique sa tendance à interpréter la structure. Ceci dit, dans le cadre de la sémiotique peircienne, on pourrait voir dans son geste interprétatif de l’objet, un cycle sémiosique qui s’est déroulé une première fois.
En deuxième partie, Popovic nous propose de nous intéresser à la socialité et à l’historicité du poème pour élucider la question de la soupe aux choux :
Tout texte littéraire s’inscrit dans un champ de représentations socioculturelles où il puise les indices, les symboles, les connotations psychosociales qui assurent sa lisibilité. Il faut en conséquence se questionner sur la place que pouvait occuper « la soupe aux choux » dans l’imaginaire social de référence, à savoir celui de la France des années 1960-1980 (le poème est publié en recueil en 1975). (P.P, p. 47)
Sa directive est claire ; pour mieux comprendre le texte, et la présence de la soupe aux choux à l’intérieur, il faut aller chercher des informations à l’extérieur de ce dernier, des informations quant au moment historique et social dans lequel il est produit. Il prend pour présupposé que, le texte littéraire étant un produit, un produit d’une chaîne d’actions, s’intéresser au moment synchronique de sa production pourrait nous aider à élucider son sens. Pour ce faire, Popovic invoque le passé national de la France pour venir expliquer la signification de la soupe aux choux : « Le chou – dans toutes ses variétés – constitua l’un des éléments fondamentaux de l’alimentation des classes rurales puis, plus largement, des classes populaires. » (P.P, p. 48) Il en vient ainsi à chercher un premier élément. Le chou est maintenant pris pour un élément de pauvreté, un ingrédient du peuple. Il fouille dans des livres de recettes : « Quelques coups de sonde dans des ouvrages généraux et dans la littérature culinaire mettent en évidence cette longue durée et font apparaître les caractéristiques socioculturelles de la soupe aux choux. » (P.P, p. 48) La soupe aux choux est un élément national français et elle est inscrite dans l’imaginaire social collectif ; c’est un aspect de la culture à part entière. Par la suite, avec ces informations nouvellement acquises, Popovic continue : « [l]a joie troublée qui anime le poème de Paul Vincensini est lourde, en amont, d’un legs de textes et de discours semblables où la soupe aux choux est inséparable de la tradition et de l’identité nationales. » (P.P, p. 50) Popovic pose ici une interprétation du texte ; il commence à apporter le signe vers son stade d’interprétant. Plus loin, Popovic met en lumière le texte grâce au rapport qu’entretient la France avec la soupe aux choux en 1960. Il découvre à travers ses recherches que la soupe aux choux n’est alors plus seulement considérée comme un aliment fait pour les classes populaires ; c’est dorénavant un mets prisé par la bourgeoisie (P.P, p. 59). La soupe aux choux a accédé à une classe sociale supérieure au moment où Paul Vincensini écrit son poème. Pierre Popovic conclut alors son analyse ainsi :
Le poème de Paul Vincensini reprend lui aussi la cinétique idéologique susdécrite (de l’humble au huppé), et il l’incorpore dans sa forme même en livrant un objet trivial (la soupe) au genre tenu pour le plus artistique de la littérature, la poésie. Mais il ne se limite pas à lui faire simplement écho, ainsi que l’analyse du poème l’a montré. La mutation est déportée vers une maxime universelle, le trait d’humour troublé par l’évocation de la mort contredit l’optimisme obligatoire du discours politique ou idéologique, la corrélation avec le lyrisme soutient en douce une définition hédoniste de la subjectivité. (P.P, p. 61)
L’analyse ainsi conclue, la soupe aux choux et le poème évoquent maintenant un changement de classe qui s’est fait dans l’amertume. Popovic a mené la sémiose vers un interprétant. L’interprétant est ici la somme que composent le poème et toutes les informations provenant de l’extérieur de ce dernier. Pierre Popovic a créé son argument en allant chercher des éléments externes au poème. L’analyse sociocritique propose d’utiliser des éléments issus du monde social pour venir mettre en relation l’objet à son environnement. On pourrait représenter le chemin qu’a suivi le signe littéraire ainsi :
Texte→ élément externe→ interprétation du texte
Chemin que l’on pourrait traduire en :
Objet → affect → Interprétant
L’analyse sociocritique se présente donc comme une manipulation de la sémiose. On choisit consciemment de préférer certains éléments à d’autres pour les mettre en relation avec l’objet et créer un interprétant, qui, dans le cadre des études littéraires, évoluera jusqu’à devenir un argument, stade institutionnel du signe.
La sémiose opérée par la sociocritique a cela d’étonnant qu’elle assume complètement son chemin sémiosique dans son fonctionnement même. La sociocritique s’opère en partant du texte vers l’extérieur pour revenir au texte et l’interpréter. C’est notre objet → affect → interprétant qui s’opère et qui ne déraille en aucun cas :

L’interprétant est nécessairement donné par un élément externe à l’objet, car ce dernier ne peut exister qu’en relation avec autre chose ; c’est d’ailleurs la nature même du signe d’être triadique. La sociocritique se présente de cette manière comme un excellent point de départ pour questionner la sémiose des études littéraires. En effet, dans un cadre élargi, on pourrait aisément affirmer que l’étude littéraire en général suit ce chemin afin de questionner et analyser un texte. Chaque méthode d’analyse, comme l’analyse par la poétique ou l’analyse usant de concepts psychanalytiques pour questionner le texte suit ce chemin bien précis. On pourrait formuler ce dernier exemple ainsi :
Texte → concepts de psychanalyse → interprétation du texte
Chaque école détermine les affects qu’elle veut utiliser, sa grille d’analyse, et produit ensuite du savoir en l’actualisant comme elle le souhaite. Les arguments produits par ces analyses sont tous issus d’un mouvement sémiosique similaire. Notre objet → affect → interprétant, qu’on désignera désormais par OAI, se révèle particulièrement efficace pour élucider sémiotiquement le fonctionnement d’une analyse littéraire. On pourrait alors commencer à questionner cette méthode de passage de l’objet à l’interprétant et l’utiliser pour remettre en question le paradigme actuel des études littéraires. Le modèle de la sociocritique OAI pourrait alors être utilisé pour créer et proposer différentes méthodes d’analyse et explorer les possibilités d’une étude littéraire pragmatique, c’est-à-dire une étude littéraire qui ne se baserait plus sur une relation positiviste à l’analyse, mais à une relation pragmatique, qui considérerait vrai ce qui fonctionne selon une méthode donnée. On pourrait par exemple considérer une méthode d’analyse qui fonctionnerait en utilisant des concepts d’astrologie. On pourrait utiliser un signe astrologique ou le concept de zodiaque pour élucider un texte. On ferait donc :
Texte → concept d’astrologie → interprétation du texte
On ferait donc l’interprétation d’un texte à travers un concept astrologique, mais ce processus pourrait être davantage mis en exemple en reprenant le poème de Vincensini. En procédant de la manière proposée par Popovic, on commence l’analyse en interrogeant la matrice sémiotique interne au texte. On remarque qu’il y a deux sections dans la seconde strophe du poème :
Je l’aimais et pourtant elle me faisait mal
Quand je serai mort
Je crois
Que je me souviendrai encore
De la soupe aux choux (P.P, p. 41)
La seconde strophe du poème a pour premier vers un complément de phrase qui place le sujet « je » dans un environnement qui sera ensuite actualisé par « je crois / que je me souviendrai encore / de la soupe aux choux. » L’enjeu de la seconde strophe réside dans le dévoilement de cette préposition ; il y a une séparation. Et si on les considère comme deux parties différentes et qu’on va ensuite puiser dans des concepts d’astrologie pour expliquer leur réseau sémantique, on se rend compte que le vers « quand je serai mort » est lié au signe du zodiaque Scorpion. En effet, dans le tarot, la carte de la mort est associée au signe du Scorpion3. Le mot « mort » nous permet d’associer le vers au signe du Scorpion. En ce qui concerne le reste de la strophe, celle-ci est liée au signe du Taureau4, qui est caractérisé notamment par l’amour de la nourriture, par le fait qu’elle tourne autour de la soupe aux choux. Ensuite, si on observe les axes du signe Scorpion, on remarque qu’ils représentent une des dualités du zodiaque. Dans le poème de Vincensini, on peut affirmer que cette dualité entre le Scorpion et le taureau5 est soutenue par la présence simultanée de la mort et de la soupe aux choux. Ici, la soupe aux choux et la mort s’opposent. Il y a une polarité entre ces deux signes ; notre lecture du poème s’en trouve changée. On pourrait maintenant affirmer que cette action de repenser à la soupe aux choux relève de la volonté de l’énonciateur de résister à la mort, de tendre vers la vie malgré la fin des choses. La mise en terre causée par la mort qui vient fertiliser le sol et ainsi donner naissance aux choux ouvre le texte de Vincenzini à une lecture cyclique et force est de constater que le zodiaque est également un concept cyclique.
Cette méthode obéit au même fonctionnement sémiotique que la sociocritique, or le paradigme des études littéraires n’est peut-être pas prêt à accueillir ce genre d’exploration. En effet, la tradition structuraliste a grandement influencé notre manière d’engager avec le texte littéraire. On a, par des biais traditionnels, tendance à considérer le texte comme une structure comportant son propre sens et qu’en s’en éloignant comme l’a fait Pierre Popovic et dit Roland Barthes dans S/Z, on ne lui donnerait pas de signification, mais on « appréci[erait] le pluriel dont il est fait. 6» Le texte est conçu comme un élément qui contient en lui-même des significations. On donne une nature immanente à sa signification. Mais, tel qu’exposé dans cette analyse de la sociocritique, l’objet du texte s’est révélé insuffisant pour contenir toute sa signification ; on a dû aller la trouver à l’extérieur de celui-ci. Cet extérieur ne représente d’ailleurs qu’une déclinaison d’un phanéron qui régit le passage de l’objet à l’interprétant : c’est un recueil d’éléments qui nous a servi à interpréter le texte. Ce pluriel dont est fait le texte n’est pas à la base dans le texte ; c’est son actualisation qui lui confère ce pluriel. Dans une lecture personnelle, on pourrait voir ces éléments, comme notre vécu ou nos connaissances, qui nous ont menés à poser un geste interprétatif. Cependant, cette conception du texte littéraire pose un certain nombre de problèmes, notamment quant à la quantification du savoir et à son contrôle par son institution. Effectivement, une vision pragmatique de l’étude littéraire aurait grand mal à justifier la valeur de ses arguments si ces derniers étaient considérés comme l’issue d’un processus de sémiose, plus qu’une trouvaille. Peirce justifiait la valeur de l’abduction par sa capacité à nous guider vers Dieu, la vérité divine absolue. Si l’on enlève la proposition divine, une recherche pragmatique aurait de la difficulté à être institutionnalisée. Cela dit, comme on l’a vu précédemment, la recherche en littérature se fait d’ores et déjà de manière pragmatique sans nécessairement s’en apercevoir, notamment en usant d’autres domaines comme les études féministes ou la psychanalyse. Dans une perspective peircienne, il faudrait trouver un moyen de justifier une telle approche. Dans son livre Pour une pragmatique de la signification,Jean Fisette traite de cette problématique et propose un élément de réponse :
L’objet littéraire, dans cette perspective […] devient un maillon, un moment dans un processus généralisé de la sémiose qui définit une culture. Si l’on se place dans la logique de l’économie de notre culture actuelle, on admettra que le signe littéraire ne peut plus être pensé exclusivement dans la logique interne de ce que l’Institution a défini comme la littérature ; l’objet littéraire doit être recentré, replacé dans l’ensemble de tous les autres processus sémiosiques : le cinéma, la peinture, la musique, la circulation de l’information, etc.7
Le signe devrait donc être considéré comme un moment dans le processus de notre culture. En soi, l’étude du signe serait l’étude de la culture dans il évolue. On étudierait des signes pour étudier l’univers qui affecte notre phanéron, qui lui donne sa grille d’analyse, plus que pour élucider une signification qui serait immanente à l’objet. Puisque c’est l’univers dans lequel s’actualise le signe qui lui donne son interprétant, l’étude du signe pourrait nous aider à comprendre cet univers, notre univers, et de la même manière, notre propre phanéron. Ainsi, la synthèse de Pierre Popovic se révèle des plus pertinentes :
Tel pourrait être, montré par l’exemple, le programme d’un enseignement de la poésie qui s’ouvrirait au projet plus global d’une histoire des représentations culturelles et sociales. Quelques principes le sous-tendent : tout part d’un contact direct avec le ou les textes ; tout est fondé sur des analyses littéraires ou discursives précises ; l’étude concrète du poème gagne à être liée à des activités de recherche et de création ; le but est de montrer que la poésie est un art vivant, voué à lire le monde et, pour cette raison, en interaction énergique avec l’imaginaire social de son époque. (P.P, p. 61)
La sociocritique arrive donc, dans son fonctionnement même, à faire valoir l’objet du poème comme paradigme qui n’attend qu’à être actualisé par les chercheur·euses et à proposer un modèle pour l’élaboration de méthodes d’analyse littéraire.
BIBLIOGRAPHIE
Barthes, Roland. S/Z, Paris, Seuil, coll. « tel quel », 1970, 278 p.
Chatelier, Michèle V. Le tarot de marseille, 2e éd., Montréal, Les éditions québécor, coll. « Ésotérisme », 2006, 204 p.
Fisette, Jean. Pour une pragmatique de la signification, Montréal, XYZ, coll. « Document », 1996, 299 p.
Popovic, Pierre. «La soupe aux choux. Ingrédients et méthode », Études françaises, vol. 41, n°3, 2005, p. 41-61.
Sanders Peirce, Charles. Écrits sur le signe, trad. Gérard Deledalle, Paris, Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 1978, 272 p.
Star, Ely. Astrologie populaire, Paris, Guyot, coll. « A.-L », 1902, 191 p.
- Charles Sanders Peirce, Écrits sur le signe, trad. Gérard Deledalle, Paris, Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 1978, 272 p.
↩︎ - Pierre Popovic, « La soupe aux choux. Ingrédients et méthode », Études françaises, vol. 41, n°3, 2005, p. 1. Désormais, les références à cet ouvrage seront placées entre parenthèses dans le texte et indiquées par le sigle « P.P ».
↩︎ - Michèle V. Chatelier, Le tarot de marseille, 2e éd., Montréal, Les éditions québécor, coll. « Ésotérisme », 2006, p. 78. ↩︎
- Ely Star, Astrologie populaire, Paris, Guyot, coll. « A.-L », 1902, p. 99. ↩︎
- Idem. ↩︎
- Roland Barthes, S/Z, Paris, Seuil, coll. « tel quel », 1970, p. 7. ↩︎
- Jean Fisette, Pour une pragmatique de la signification, Montréal, XYZ, coll. « Document », 1996, p. 29. ↩︎
