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002 Au-delà du visible  –  Date limite : 15 janvier 2024

APPEL DE TEXTES n°2

002 « Au-delà du visible »

Date limite: 15 janvier 2024

***Seuls les textes d’étudiant·e·s inscrit·e·s au premier cycle universitaire ou au cégep au moment de la soumission seront acceptés***

Cette année, nous vous invitons à réfléchir la tension entre le visible et l’invisible, l’expression des angles morts, des tabous et des silences. Aller au-delà du visible, c’est prendre conscience de l’espace éclairé par fragments, sans jamais accéder à une image complète du réel sauf par l’accumulation des éclats de visible. La lumière qui permet d’observer le monde, de s’orienter, de se réchauffer, est aussi celle qui aveugle, trompe, mène sur de fausses pistes. Les rayons les plus lumineux ne se regardent pas sans douleur, ils éblouissent, créent des éclipses, façonnent l’invisible. Jean-Pierre Lebrun conçoit l’espace langagier comme un « vide » que crée l’acte de parole, puisque celui-ci « suppose un recul, […] un décollement du réel. » (Lebrun, 2009) De même, on pourrait penser la composante symbolique du langage comme une source de lumière, qui révèlerait une image, éclipsant du même coup sa propre présence dans le domaine du réel.

Aller au-delà du visible participe d’une vision politique de la littérature, car écrire c’est prendre position dans « l’économie du visible » (Mondzain, 2003). Mondzain trouve écho chez Annie Ernaux, pour qui la peau, le corps, cette façade entre le soi et l’autre, est un trait dont il faudrait témoigner pour rendre compte du réel et pour donner droit, pour donner accès à l’existence littéraire :

Je suis devant un choix qui, singulièrement aujourd’hui, engage la lecture qui sera faite de ce journal. Écrire « une femme », c’est gommer une caractéristique physique que je ne peux pas ne pas avoir vue immédiatement. C’est en somme « blanchir » implicitement cette femme […]. C’est refuser quelque chose de son être et non des moindres, sa peau. Lui refuser textuellement la visibilité. (Ernaux, 2016)

Il ne suffit pas simplement de nommer, ajoute Christine Angot, mais de viser, par l’usage du mot, un accroissement de son sens. Se saisir du mot, et non pas seulement l’employer, exige d’ouvrir les possibles de son référent, de « le définir en images, et en perceptions. C’est ça faire apparaître le réel, et faire disparaître le discours. » (Angot, 2016) Mais le texte rend parfois trop visible, il expose, dénude. Le texte fixe le sujet politique dans le temps, proscrit son absence, lui interdit l’oubli. Martine Delvaux nous dit que la honte est « ce qui nous fait apparaître, nous interdit de passer inaperçu·e », ce qui fuit la lumière, mais s’y retrouve inévitablement (Martine Delvaux, La honte : méthode, conférence donnée à l’Université du Québec à Montréal le 17 mai 2023). Pourtant, c’est précisément ce sentiment qui crée chez le sujet le désir de s’effacer, d’être oublié. Le sombre, l’aveuglement, pourrait donc être préférable : « J’en ai assez de regarder l’obscurité, ton sombre rayonnement, et je ferme les yeux pour couvrir l’obscurité. Je m’efforce de garder les yeux fermés et la lumière surgit. » (Berthelsen, 2015)

Aller au-delà du visible, c’est être alerte à l’accroissement de visibilité que présente la répétition ou le leitmotiv. Sous l’accumulation de visible se cache un sens effectif, soit un sens « qui se traduit par un effet, par des actes réels » (Le Petit Robert 2013, p. 823). Aller au-delà du visible, c’est investiguer ce qui s’y dérobe, ce qui est absent dans le texte – tant ce que Wolfgang Iser a nommé « les blancs » et Umberto Eco « les lieux d’indétermination », que les manières dont le silence peut être mobilisé pour raconter l’effacement historique subi par les peuples colonisés (Daniel Chartier, 2019).

Quels chemins prennent les littéraires pour se rendre au-delà et en-deçà du visible? Comment tracer les contours de ce qui est invisible? Que fait-on apparaître et disparaître dans le texte littéraire? Que retrouve-t-on entre le visible et l’invisible? Voici quelques-unes des questions que nous vous posons pour ce deuxième numéro. Cette thématique s’interprète sous plusieurs angles. Nous vous proposons ici une liste non exhaustive de pistes à partir desquelles il est possible d’envisager le thème de ce deuxième numéro :

  • Le second degré, l’ironie ;
  • L’écriture du corps, de l’intimité, de l’érotique, du sensible ou de la maladie ;
  • La visibilité textuelle ;
  • L’engagement politique en littérature, l’(in)visibilité des sujets minoritaires ;
  • Le discours littéraire comme vecteur de changement ;
  • L’expression des tabous ou des secrets ;
  • L’effet de contre-jour ;
  • L’intersectionnalité ;
  • L’invisible matérialisé dans le texte soit les représentations du silence ou les lieux d’indétermination (Umberto Eco) ;
  • La répétition ;
  • L’intertextualité et la pratique citationnelle ;

Premières Lignes a pour mission d’offrir un espace d’expérimentation pour la recherche en études littéraires au premier cycle. En ce sens, si vos articles peuvent revêtir la forme d’un article de recherche ou d’une dissertation (voire d’une critique ou d’un compte-rendu), ils peuvent également subvertir les codes de la recherche, ébranler sa structure, adopter une forme hybride qui combine recherche et création, ou se présenter comme un essai, à la condition que les propos théoriques demeurent appuyés et rigoureux. Bien que Premières Lignes soit une initiative étudiante de l’UQAM, l’appel de texte est ouvert aux étudiant·e·s des autres universités également.

À noter : Pour ce numéro, les textes hors-dossier pourront être acceptés pourvu qu’ils soient identifiés comme tel lors de la soumission.


PROTOCOLE DE SOUMISSION

***Seuls les textes d’étudiant·e·s inscrit·e·s au premier cycle universitaire ou au cégep au moment de la soumission seront acceptés***

Les textes doivent être soumis en format .word ou .docx et être envoyés à l’adresse suivante avant la date limite : info@revuepremiereslignes.ca

Le texte ne doit contenir aucune information permettant de vous identifier. Veuillez inclure votre établissement d’enseignement d’attache et vos coordonnées (nom, prénom, adresse courriel) dans le corps du courriel et non dans votre texte.

Les textes proposés doivent comprendre entre 2000 et 5000 mots (environ 5 à 15 pages à double interligne), être rédigés majoritairement en français, police Times New Roman, taille 12. Pour les autres composantes de mise en page et les pratiques citationnelles, les textes doivent souscrire au guide méthodologique du premier cycle en études littéraires à l’UQAM, que vous retrouverez à l’adresse suivante https://litterature.uqam.ca/etudiants/. Nous vous encourageons à adopter l’écriture inclusive ou épicène, ainsi qu’à fournir des traumavertissements.

La revue est une initiative collective fondée sur des principes d’horizontalité, de démocratie directe, de coopération et d’inclusivité. Son équipe adopte des valeurs et des pratiques non oppressives telles que l’anticolonialisme, l’antiracisme, l’écologisme et le féminisme. N.B. : ces valeurs sont nommées d’après leur ordre alphabétique et non d’importance.

À noter : Pour ce numéro, les textes hors-dossier pourront être acceptés pourvu qu’ils soient identifiés comme tel lors de la soumission.


BIBLIOGRAPHIE

Corpus littéraire

ANGOT, Christine, Un amour impossible. Suivi de conférence à New-York, Paris, J’ai lu, 2016, 256 p.

ANTANE KAPESH, An, Eukuan non matshi-manitu innushkueu / Je suis une maudite sauvagesse, préface de Naomie Fontaine, traduit par José Mailhot, Québec, Mémoire d’Encrier, 2016, 212 p.

BACON, Joséphine, Bâtons à message : Tshissinuatshitakana, Québec, Mémoire d’Encrier, 2009, 144 p.

BELLEVIGNE, Mélissa, Paranoia, Paris, Hachette, 2016, 320 p.

BERTHELSEN, Kelly, Je ferme les yeux pour couvrir l’obscurité, préface de Daniel Chartier, traduction de Inès Jorgensen, Québec, Presses de l’Université du Québec, coll. « Jardin de givre », 2015, 176 p.

DAAS, Fatima, La petite dernière, Paris, Éditions noir sur blanc, 2020, 192 p.

DAWSON, Caroline, Là où je me terre, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 2020, 208 p.

DURAS, Marguerite, Le ravissement de Lol V. Stein, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1964, 190 p.

ERNAUX, Annie, L’événement, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2001, 129 p.

ERNAUX, Annie, Regarde les lumières mon amour, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2016, 96 p.

GODIN, Louis-Daniel, Le compte est bon, Montréal, La peuplade, 2023, 272 p.

GUIBERT, Hervé, À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1990, 288 p.

LEVY, Marc, Et si c’était vrai…, Paris, Pocket, 2000, 250 p. 

SCHLINK, Bernard, Le liseur, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2017 [1996], 242 p.

VIENS, Alex, Les pénitences, Montréal, Cheval d’août, 2022, 144 p.

WITTIG, Monique, L’opoponax, Paris, Minuit, 1964, 281 p.

Corpus cinématographique

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BONG, Joon-Ho, Parasite, traduction par The Jokers, CJ Entertainment,Corée du Sud, 2019, 132 min.

BRESSON, Robert, Pickpocket, France, Agnes Delahaie Productions, 1959, 73 min.

DURAS, Marguerite, Les mains négatives, France, Les films du losange, 1979, 14 min.

EGGERS, Robert, The Lighthouse, Canada, Étas-Unis, A24, 2019, 109 min.

GRAVER, Gary, Oja KODAR, François REICHENBACH et Orson WELLES, Vérités et Mensonges, traduction par Les Films de l’Astrophore , Paris, Planfilm, 1973, 88 min.

KAUFMAN, Charlie, Je veux juste en finir, traduction par Netflix, États-Unis, Likely Stories, 2020, 134 min.

PERRAULT, Pierre, Pour la suite du monde, Québec, Office national du film, 1962, 105 min.

Théorie

AHMED, Sara, Phénoménologie queer : orientations, objets et autres, trad. Laurence Brottier, Montréal, Québec, Rue Dorion, 2022, 317 p.

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bell hooks, Ne suis-je pas femme? Femmes noires et féminisme, traduit de l’anglais par Olga Potot, Paris, Cambourakis 2015.

BILGE, Sirma, « Le blanchiment de l’intersectionnalité », Recherches féministes, vol. 28, no 2, p. 9-32, 2015.

BUTLER, Judith, La vie psychique du pouvoir : L’assujettissement en théories, préface de Catherine Malabou, traduction de Brice Matthieussent, Paris, Leo Scheer, 2002, 309 p.

CHARTIER, Daniel, « La fascinante émergence des littératures inuite et innue au 21e siècle au Québec : une réinterprétation méthodique du fait littéraire », Revue japonaise d’Études québécoises, n° 11, 2019, 0. 27-48.

DELVAUX, Martine, Histoires de fantômes. Spectralité et témoignage dans les récits de femmes contemporains, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2005, 221 p.

DIDI-HUBERMAN, Georges, Essayer voir, Paris, Minuit, 2014, 96 p.

ISER, Wolfgang, L’appel du texte: l’indétermination comme condition d’effet esthétique de la prose littéraire, trad. Vincent Platini, Paris, Allia, 2012.

LEBRUN, Jean-Pierre, « Ce que parler implique », dans La perversion ordinaire. Vivre ensemble sans autrui, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2015 [2009], p. 53-77.

LEVINAS, Emmanuel, « Phénoménologie de l’Éros », dans Totalité et infini. Essai sur l’extériorité, Paris, Le livre de poche, coll. « Biblio essais », 1990, 347 p.

LACAN, Jacques, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je, telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience psychanalytique », dans Écrits, Paris, Le seul, 1996, p. 93-101.

LUSSIER, Alexis, « Jean Genet entre ‘la lumière et l’ombre’. Apparition, prestige, éclipse dans Journal du voleur », dans Études françaises, vol. 58, no 2, 2022, p. 131-145.

MERLEAU-PONTY, Maurice, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, 560 p.

MONDZAIN, Marie-Josée, Le commerce des regards, Paris, Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2003, 272 p.

RANCIÈRE, Jacques, « L’histoire ‘des’ femmes : entre subjectivation et représentation (note critique) », dans Annales. Économie, sociétés, civilisation, vol. 48, no 4, 1993, p. 1011-1018.

TASSIN, Étienne, « Subjectivation versus sujet politique. Réflexions à partir d’Arendt et de Rancière », dans Tumultes, vol. 43, no 2, 2014, p. 157-173.