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001 TROUBLE  –  Date limite: 16 janvier 2023, à 23h59.

APPEL DE TEXTES n°1

001 TROUBLES


Date limite: 16 janvier 2023, à 23h59.

Se mettre dans le _______. / Chercher le ______. / En eaux ______.

Trouble (Le Petit Robert, 2021, p. 2635)

1. Se dit d’un liquide qui n’est pas limpide, qui contient des particules en suspension (boueux, vaseux) ;
2. Au figuré. Qui contient des éléments obscurs, équivoques, plus ou moins inavouables ou menaçants (louche, suspect).


Synonymes: Brumeux, confus, douteux, indécis, indéfini, indistinct, inquiétant, louche, obscur, suspect, vague. Ce qui n’est pas clair, limpide, net.

Le trouble est ce que l’on cherche par défi, pour se mesurer à l’autre, évaluer sa capacité à réagir, pour se désennuyer ou pour attirer l’attention.

Le trouble s’infiltre, envahit, est plus fort que nous. Le trouble vit dans le désir, dans les corps, dans les espaces liminaires. Il s’excite devant l’entre-deux de ce qui se dévoile partiellement, un voile sur la peau nue, un regard dont il faut saisir l’insistance.

Le trouble nous trouvera si on ne le cherche pas.

Le trouble est ce qui apparaît sur son visage quand je lui apprends la nouvelle; ce que je devine dans l’hésitation de ses gestes quand j’ose prendre la parole; ce qui est trahi dans son regard quand je me redresse après l’effondrement.


Avec ce premier numéro, la revue Premières Lignes cherche le trouble. Les multiples variations de ce thème nous apparaissent propices à rejoindre les contestataires du premier cycle, les incertain·e·s, les expérimentateur·e·s. Le trouble est un thème libre qui tente de réunir une communauté de gens troublés, décidés à déconstruire ce qui entrave le chemin de l’émancipation. Le trouble est ce dans quoi l’on se met lorsque l’on tente d’ébranler des structures érigées depuis trop longtemps; lorsque l’on conteste ce qui domine, surplombe, éclipse; lorsque l’on investit les failles, les fissures; lorsque l’on tremble, que l’on vacille.

Le trouble peut s’envisager, avec Paul Ricoeur, depuis « les variations imaginatives que la littérature opère sur le réel » (Ricoeur, 1986, 115). Car pour le philosophe, l’imagination est cette « capacité d’accueillir un être autre pour [s]oi-même et pour les autres » (Rencontres, 1974, [Entrevue]). Cette assertion trouve un écho dans ce que le penseur appelle le « monde du texte » (Ricoeur, 1986, 112). Le texte, dans son autonomie, est monde. Il permet l’accueil d’un être autre, d’un être autrement, en ce qu’il provoque une distanciation du « réel avec lui-même » (Ricoeur, 1986, 115) suivant laquelle l’être-donné se métamorphose en pouvoir-être. Par la distanciation qu’il produit entre sa référence (le monde d’où il émerge) et son projet (le monde qu’il projette), le texte littéraire permet l’osmose entre le réel et l’imaginaire et, ce faisant, dessine dans l’horizon des possibles de nouvelles modalités d’habitation du monde. Autant dire que le monde du texte, dont l’objectif même est de problématiser son monde d’émergence, instille le trouble dans notre acception du réel.

Comment alors le texte littéraire peut-il troubler le réel? Comment ébranle-t-il les fondements des récits et des narratifs qui soutiennent ce que Foucault nomme l’épistémè, à savoir les conditions de possibilité de la production des savoirs (Foucault, 1966, 13), conditions qui comprennent non seulement les pratiques discursives en circulation, mais également les rapports de pouvoir qui les sous-tendent? C’est depuis ce questionnement que Premières lignes vous invite à réfléchir aux diverses déclinaisons et manifestations du trouble en littérature, tant sur le plan formel que thématique.

Premières lignes priorise l’angle de la recherche mais ne s’y restreint pas. En ce sens, si vos textes peuvent revêtir la forme plus classique d’un article de recherche ou d’une dissertation (voire d’une critique), ils peuvent également adopter le trouble dans leur structure même, c’est-à-dire qu’ils peuvent jouer sur les codes de l’essai, sur l’hybridité de ce que l’on appelle la recherche-création, à condition que les propos théoriques demeurent appuyés et rigoureux.

La thématique de ce premier numéro ouvre la porte à plusieurs angles et approches. À ce sujet, Premières lignes vous propose une liste, non-exhaustive bien sûr, des possibilités exploratoires que le trouble suscite:

· Le brouillage entre les genres, la mixité, l’hybridité;

· Le trouble dans le langage, la resémantisation, le réinvestissement de la langue et des signes;

· La mémoire trouble, collective ou individuelle;

· Ce qui bouscule le statu quo, qui agite, qui dérange;

· Les sujets dont l’identité ou la sexualité demeure incertaine ou indécise, troublée ou troublante, fluide, mouvante;

· Le personnage liminaire (Scarpa, 2011) ;

· Les espaces troubles, liminaires ou carnavalesques;

· Le trouble de la première lecture, de la puissance d’une œuvre, de sa réception;

· Le traitement littéraire des troubles psychiatriques;

· Le désir troublé, ambivalent, réprimé, dissident, le désir de troubler;

· La corporalité, le corps grotesque.



Protocole de soumission + rédaction

Les textes doivent être soumis en format .word et être envoyés à l’adresse suivante info@revuepremiereslignes.ca. Deux versions sont requises: la première doit être anonyme (inclure le titre seulement) et la seconde doit indiquer votre université d’attache et vos coordonnées (nom, prénom, adresse courriel).

Les textes proposés, rédigés en français, doivent comporter entre 2000 et 5000 mots (approximativement entre 5 à 15 pages à double interligne, en excluant la bibliographie). Nous vous demandons d’utiliser la police Times New Roman, en taille 12. Les marges doivent être de 2.5 cm, en haut, en bas, à droite et à gauche. Nous vous encourageons également à adopter l’écriture inclusive ou épicène autant que possible.

Politique d’inclusivité: les personnes racisées et/ou issues des minorités sexuelles et de genre qui souhaitent bénéficier de notre politique d’inclusivité peuvent en faire la demande dans leur version avec coordonnées. Ces informations sont confidentielles et ne seront pas divulguées.



BIBLIOGRAPHIE


*cette liste non-exhaustive vise à fournir des pistes et non à vous y limiter. Il est tout à fait possible d’étudier d’autres corpus.


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